Par Michel SCHMITT et Matthias de JOUVENEL
Conseil général de l’Économie (CGE)
Le baromètre du numérique est un sondage récurrent qui porte sur les équipements et usages numériques des Français. Nous présentons ici un certain nombre de résultats de l’édition 2022 de ce baromètre. Les soixantenaires sont devenus internautes au même niveau que les plus jeunes, et l’équipement en objets connectés continue sa croissance rapide, que ce soit dans la sécurité, l’électroménager ou la santé. Les usages qui ont progressé lors du confinement continuent dans la durée et montrent ainsi leur adoption. Le numérique devient de plus en plus indispensable : plus de 60 % des personnes interrogées affirment ne pas pouvoir se passer d’Internet plus d’une journée, en particulier de messagerie.
Qu’est-ce que le baromètre du numérique ?
Il s’agit d’un sondage récurrent sur les équipements et les usages numériques des particuliers en France. Il a été lancé par le Conseil général de l’Économie (CGE) en 2000, rejoint successivement par l’Autorité de régulation des communications électroniques, des postes et de la distribution de la presse (Arcep) en 2003, par l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) en 2016 et enfin par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) en 2022. Chaque partenaire oriente le baromètre
sur les thèmes spécifiques liés à son champ de compétences. Ainsi, le CGE se concentre sur les usages.
En 2022, l’enquête a été réalisée par le Credoc en ligne et par téléphone. Une enquête flash par téléphone auprès de 1 000 personnes a permis de déterminer la proportion de la population ne disposant pas d’une connexion Internet à domicile, donc moins susceptible de répondre à un sondage en ligne. L’échantillon complet compte 4 184 personnes résidant en France métropolitaine, dont 163 personnes de 12 à 14 ans (interrogées par Internet), 573 personnes de plus de 18 ans ne disposant pas de connexion Internet à leur
domicile (interrogées par téléphone) et 3 448 personnes de plus de 15 ans (interrogées par Internet). Les résultats ont été redressés selon l’âge, le sexe, la catégorie socio-professionnelle, le niveau de diplôme, la taille d’agglomération et la région.
Le questionnaire (79 questions en 2022) est composé d’un squelette stable dans le temps (taux d’équipement en téléphone fixe, téléphone mobile, smartphone, ordinateur à domicile, Internet à domicile, accessibilité), des focus particuliers à chaque année ainsi que des questions à fréquence variable, selon l’actualité (télétravail, déconnexion, empreinte environnementale des téléviseurs…).
Le rapport d’analyse complet comprend 349 pages en raison de la richesse du questionnaire. L’ensemble des documents (présentation utilisée lors de la conférence de presse1, dossier de presse, infographie et la captation vidéo de la restitution) sont disponibles sur le site du CGE2. Toutes les données de l’enquête sont accessibles sur la plateforme ouverte des données publiques françaises3.
Dans cet article, nous mettons en lumière un certain nombre de résultats marquants de l’édition 2022 du baromètre du numérique. Ce choix des thèmes reflète plus particulièrement les préoccupations du CGE en termes d’usages numériques.
Réseaux et équipements numériques
L’effort de déploiement de la fibre continue sa progression rapide et dépasse en 2022 l’ADSL (respectivement 56 et 39 % en 2022, contre 39 et 54 % en 2020). Néanmoins, des différences territoriales persistent, puisque cette part n’est encore que de 34 % dans le monde rural contre 72 % dans l’agglomération parisienne.
En ce qui concerne les équipements utilisés quotidiennement, après une décroissance continue de l’ordinateur, qu’il soit fixe ou portable, au profit du smartphone, l’ordinateur retrouve un usage renouvelé à partir de 2020 (47 % en 2019 ; 62 % en 2022). Cette croissance importante s’interprète par le confinement et l’essor du télétravail avec de nombreuses visioconférences, plus confortables sur un écran d’ordinateur que sur un écran de smartphone. Téléphones fixes et tablettes restent globalement constants sur les cinq dernières années.
Les nouveaux équipements progressent rapidement : l’enceinte connectée (31 % en 2022 contre 22 % en 2020 et 9 % en 2019) et les objets connectés (40 % des personnes sont équipées d’au moins un objet connecté en 2022 contre 33 % en 2020). Les objets relatifs à la santé sont les plus répandus (24 %), les objets relatifs à la sécurité se diffusent le plus rapidement (+ 7 points en deux ans). Une majorité des 12-39 ans est déjà équipée et les intentions d’équipement en objets connectés s’accroissent.
Enfin, l’usage des casques de réalité virtuelle, équipements essentiels pour le métavers, a émergé rapidement. Un Français sur cinq a déjà testé un casque de réalité virtuelle (7 % possèdent un casque, 14 % ont déjà essayé), 19 % n’ont pas encore essayé mais aimeraient le faire.
Les français presque tous internautes
La proportion d’internautes dans la population est stable par rapport à 2020, à 92 %. Les moins de 70 ans sont internautes à plus de 96 %. Seule une partie des personnes âgées de plus de 70 ans reste éloignée d’Internet, l’élan de la crise sanitaire (71 % d’internautes en 2020 contre 58 % en 2019 dans cette tranche d’âge) est retombé.
La tranche d’âge qui évolue le plus de 2020 à 2022 est celle des 60-69 ans, passant de 81 % d’internautes en 2019 à 96 % en 2022.
De nombreux équipements numériques comportent des écrans. Ainsi, en moyenne, les Français passent 32 heures par semaine à regarder un écran. Le nombre moyen d’heures passées à regarder la télévision sur un poste de télévision est en baisse, à 17 heures par semaine dans l’ensemble de la population (19 heures en 2020). À l’inverse, le temps passé à regarder des vidéos sur Internet atteint 8 heures en moyenne par semaine (6 heures en 2020). Ces usages sont très corrélés à l’âge.
Internautes pour quels usages ?
Achats en ligne
La crise sanitaire a relancé les achats en ligne et leur fréquence continue d’augmenter. Un Français sur deux achète en ligne au moins une fois par mois. Ces tendances sont corroborées par les chiffres de la FEVAD4.
La réservation d’hôtels ou de taxis, la commande d’un repas se font de manière prépondérante au travers de plateformes, montrant le niveau d’ubérisation de l’économie.
Cette question a été posée pour la première fois et ne permet donc pas encore de dégager la dynamique de ce phénomène.
Réseaux sociaux
L’usage des réseaux sociaux refluent à 62 %, un peu au-dessus du niveau de 2019 (60 %), après le pic d’usage en 2020 (67 %) lors de la crise sanitaire. Le graphique ci-dessous montre les disparités d’usage selon l’âge, la taille du foyer, le niveau de diplôme et la localisation géographique.
Travail et numérique
Le recours à Internet pour chercher un emploi augmente légèrement (32 % contre 30 % en 2020), et atteint 83 % chez les actifs au chômage (contre 76 % en 2020).
Les personnes qui télétravaillent au moins occasionnellement sont positives sur ses bénéfices : 85 % estiment que le télétravail a un effet positif sur leur vie personnelle, et 78 % sur leur vie professionnelle. Pourtant, 66 % des personnes en emploi déclarent avoir utilisé des outils numériques pour des raisons professionnelles en dehors de leurs horaires et lieux de travail habituels (c’est-à-dire le soir, le week-end, en vacances, dans les transports, à domicile), 39 % le faisant régulièrement.
Jeux vidéo
En moyenne, les Français jouent à des jeux vidéo sur un équipement numérique 6 heures par semaine (10 heures par semaine pour les joueurs). Six personnes sur dix indiquent aujourd’hui jouer à des jeux vidéo, pris au sens large, en intégrant tous les types de jeux, qu’ils soient accessibles sur smartphones, ordinateurs ou consoles. Le plus souvent seul (40 %), en ligne avec d’autres joueurs (18 %), cette proportion dépendant fortement de l’âge. Le téléphone / smartphone constitue le principal équipement utilisé pour jouer aux
jeux vidéo. Le smartphone a élargi le public des joueurs : 47 % des femmes jouent à des jeux sur leur smartphone (55 % des hommes). 58 % des 40-59 ans et 28 % des 60-69 ans ouvriers (59 %), employés (59 %) et les cadres (61 %) ou les professions intermédiaires (60 %).
Quelle confiance dans le numérique ?
La confiance dans les informations relayées par des particuliers sur les réseaux sociaux s’est fortement accrue depuis 2017 (41 contre 26 %). Cette hausse est largement portée par les plus jeunes et les jeunes adultes, alors que les plus de 70 ans sont 13 % à avoir confiance (- 2 points). Les diplômés du supérieur font presque autant confiance que les non-diplômés.
Pourtant, les informations relayées au travers des réseaux sociaux font question au regard des violentes contestations des résultats des élections au Brésil et aux États-Unis, facilitées par les réseaux sociaux. La crise sanitaire a été l’occasion d’une vague de désinformation amplifiée sur les réseaux sociaux.
La révolution numérique
Au regard du taux d’équipement en téléphones mobiles (95 % en 2022 contre 94 % en 2017) ou de la part des internautes (92 % en 2022 contre 88 % en 2017), la révolution numérique a déjà eu lieu. D’ailleurs, la majorité de la population (58 %) ne peut plus se passer d’Internet plus d’une journée, alors qu’Internet ne manquait pas à la majorité (61 %) avant plus d’une semaine en 2011. La messagerie est le service dont il est le plus difficile de se passer. Les 12-39 ans citent davantage les contenus vidéo, les réseaux sociaux et les jeux vidéo.
Depuis 2013, le numérique a rempli les « temps morts » au détriment des pratiques non numériques. Que ce soit dans les transports en commun, dans une voiture, en attente d’une autre personne ou d’un rendez-vous, une part croissante de la population navigue sur Internet (70 contre 30 %), regarde des vidéos (50 contre 13 %) ou joue à des jeux vidéo (47contre 23 %) ; au contraire, une part décroissante de la population lit un livre ou un journal papier (53 contre 63 %), discute avec d’autres gens autour (71 contre 77 %) ou observe ce qui les entoure (87 contre 94 %).
Et quand on rencontre des problèmes ?
La moitié de la population n’a pas de difficultés avec les outils numériques et informatiques (40 contre 31 % en 2019) ou se débrouille seule (11 contre 9 % en 2019). Un petit tiers (29 contre 35 % en 2019) demande de l’aide à quelqu’un de son entourage. Face aux difficultés, seule une minorité de la population abandonne (5 %) ou n’y a jamais recours (7 contre 11 % en 2019).
En guise de conclusion
Nous avons cherché à illustrer les résultats du baromètre du numérique pour son édition 2022 et les mettre en perspective avec les résultats des éditions précédentes. Nous sommes loin d’avoir épuisé les ressources de cette enquête. La base de données complète permet de croiser différentes modalités et de mettre en lumière des corrélations permettant d’avancer des explications. D’autres points ont été abordés, en particulier les
comportements des internautes en matière environnementale, en particulier les habitudes concernant le remplacement des équipements (téléviseurs en 2022 ; smartphones en 2020).