Par Paul JOLIE
Ingénieur général des mines, Conseil général de l’Économie
Et Emmanuel CAQUOT
Ingénieur général des mines, Conseil général de l’Économie

L’idée d’un monde virtuel s’est matérialisée dès 1997 en France, où Canal+mulimédia ouvre Le Deuxième Monde, qui permet aux joueurs d’évoluer, par leur avatar, dans une reconstitution de Paris en 3D, formant ainsi une communauté virtuelle dont les membres se surnomment « les Bimondiens ». Précurseur du métavers, il est toutefois fermé en 2001 et c’est en 2003 Second Life de Linden Lab, qui connaît un premier succès mondial. L’idée connaît un renouveau d’intérêt à plus grande échelle en 2021 avec les annonces de Marc Zuckerberg. Si l’intérêt médiatique s’est depuis essouflé avec les difficultés rencontrées, il n’en demeure pas moins que le sujet reste très actif en termes d’investissements aux États-Unis et dans au moins quatre pays d’Asie, avec de nombreux groupes qui développent plateformes et applications. L’Europe a surtout une approche réglementaire et défensive, mais dispose néanmoins d’atouts, y compris en France, et d’ambitions pouvant reposer sur Dassault Systèmes, Ubisoft, Atos, les opérateurs de télécommunication et un tissu de
start-up.

Introduction

Après une fin d’année 2021 en fanfare, l’année 2022 a été difficile pour le « Métavers ».
Et pourtant…
Tout a commencé sous les projecteurs fin 2021, lorsque l’entreprise Facebook a décidé de changer son nom en Meta, son PDG, Marc Zuckerberg, donnant « sa » vision du futur de l’Internet : le Métavers, un monde dans lequel le réel et le virtuel se mêleraient pour permettre à chacun de vivre plusieurs vies en même temps, avec ses avatars et ses réseaux sociaux d’une nouvelle dimension. De nombreuses entreprises ont adhéré au projet de construction de ce nouvel univers, propice à générer de nouvelles sources de valeur et de
prospérité.
Mais la construction du Métavers (avec un grand M, représentant « la vision ») est à un horizon lointain. Le 14 mars 2023, face à l’inquiétude de son actionnariat et à la chute de son cours de bourse, Mark Zuckerberg a affiché de moindres ambitions pour son projet de Métavers au bénéfice d’une priorité à l’intelligence artificielle. Microsoft a raboté le budget de son équipe Hololens, Disney a fermé sa division métavers.
Cela n’empêche pas le développement de technologies utiles au métavers (haptique, olfaction). Un autre article de ce numéro montre que l’industrie du luxe investit dans les mondes virtuels, comme le montre la “Metaverse fashion week”. Toujours dans le haut de gamme, BMW vient d’annoncer la virtualisation de tous ses sites de production grâce la technologie Omniverse de Nvidia, pour simuler l’efficience de toute transformation avant mise en œuvre. Le CES 2023 a vu le triomphe du gaming immersif, avec des écrans et
accessoires dédiés.

Ainsi, même si l’on parle moins dans la presse aujourd’hui du Métavers, de nombreuses entreprises continuent d’investir dans la construction de leur métavers (avec un petit « m » pour signifier un métavers sous pilotage d’un acteur leader), avec leur propre vision de ce que cela peut être et leur stratégie de fédérer autour d’elles un écosystème de contributeurs.
Les grands acteurs américains se positionnent sur le sujet du Métavers, avec l’arrière-pensée de prendre une longueur d’avance au cas où le sujet du Métavers se révèlerait important.
Le plus surprenant est sans doute de réaliser que les grandes entreprises chinoises, les BATHX (pour Baidu, Alibaba, Tencent, Huawei et Xiaomi), sont aussi en train de se placer sur ce sujet, ayant commencé leurs travaux sans le dire il y a déjà quelques années, et sans aucun doute stimulées par la perspective de compétition avec les grandes entreprises américaines.
Cet article tente de faire la lumière sur ces stratégies d’acteurs, de comprendre leurs motivations et leurs positionnements, en n’oubliant pas d’autres parties du monde comme le Japon, la Corée ou l’Europe.

Stratégie des acteurs

La chaîne de valeur du métavers

D’après le cabinet CB Insights1, on peut représenter le métavers comme une industrie qui se construit « au-dessus » d’autres industries, chacune étant un élément de la chaîne de valeur du métavers. Sont indiqués dans le graphique suivant (voir la Figure 1 ci-après) ces différents chaînons avec quelques entreprises représentatives. Cumulés avec d’autres applications, les investissements de ces acteurs auraient atteint 25 milliards de dollars dans ces technologies, classées en six groupes.

Infrastructure (informatique et réseau)

Les fonctions de calcul du chainon infrastructure doivent permettre de gérer des fonctions exigeantes : réseaux physiques, rendu, réconciliation et synchronisation des données, déploiement de l’intelligence artificielle, projections, capture des mouvements et traduction. Les acteurs clés de ce chainon sont des acteurs déjà très puissants et ayant de grosses ressources. L’accès à ces industries est difficile pour de nouveaux acteurs, car les barrières à l’entrée sont très importantes.

Accès

Accéder au métavers nécessite l’utilisation de dispositifs comme, dans un premier temps, les smartphones qui permettent d’accéder aux proto-métavers (comme dans le cas de Pokemon Go par exemple), mais également les lunettes de réalité augmentée et les casques de réalité virtuelle. Pour interagir dans le monde virtuel à partir du monde réel, les gants haptiques sont développés. Il est probable qu’avec le temps, d’autres
types d’interface soient développés et qu’il puisse par exemple y avoir une connexion directe avec le cerveau, à l’image de ce qui est développé par la société Neuralink de Elon Musk. Les principaux acteurs sont des spécialistes des casques de réalité virtuelle ou de l’haptique.

Figure 1. Les six niveaux de la chaîne de valeur du métavers avec quelques entreprises représentatives (Source : CBInsights).

Outils de conception et de visualisation

Ces outils permettent de construire le métavers. Il s’agit autant des outils de développement 3D (pour réaliser les scènes par exemple) que des outils de développement des avatars et de leurs différentes composantes. Les acteurs principaux sont des acteurs spécialisés dans les outils de développement logiciels. Ils possèdent les outils, les protocoles et les moteurs permettant la création, l’exploitation et l’amélioration du métavers,
couvrant le rendu, l’intelligence artificielle, les formats d’actifs, la mise à jour et la gestion de l’information de supervision.

Réalisation de mondes virtuels

Deux grands types de philosophie existent :

• soit une vision centralisée du monde : un acteur dominant contrôle tout et développe
la scène suivant ses spécifications ;

• soit une vision décentralisée, dans laquelle « les mondes » (la scène, les personnages
et les expériences) sont créés par les utlisateurs eux-mêmes, dans une logique
heuristique qui ne présage en rien la façon dont le monde va évoluer.

Les acteurs économiques de ce chainon sont aujourd’hui principalement ceux du jeu vidéo. Ils doivent posséder de fortes compétences en maîtrise de l’informatique, en création de contenu et en savoir-faire en design.

Infrastructure économique

Le modèle économique du métavers repose sur sa capacité à développer les échanges entre acteurs actifs du métavers. Chacun, rappelons-le, sera à la fois consommateur et producteur. Consommateur, car il y passera du temps, consommera de l’attention dans ces univers ; et producteur, car l’objectif est que le nouveau monde du métavers se construise collectivement par les actions des utilisateurs. Sur ce dernier point, les producteurs seront rémunérés pour leur production.
Les acteurs de ce chainon sont principalement des acteurs des cryptomonnaies et des NFT, qui ont, bien sûr, d’autres champs d’application que le métavers.

Expérience utilisateur

Elle désigne les acteurs proposant des expériences originales comme la socialisation (prolongement des réseaux sociaux), mais aussi de nouvelles expériences d’achat, une nouvelle façon de participer à un concert (grâce à la virtualisation, tout le monde a la meilleure place dans le concert !), ou encore de nouvelles expériences de collaboration, ce qui ouvre de nouvelles voies à la création artistique qui ne serait plus le fait d’une seule personne mais d’une communauté.
Pour pouvoir vivre ces nouvelles expériences, il faut pouvoir les découvrir et les choisir parmi l’ensemble des possibles, ce qui donne lieu à l’émergence de moteurs de recherche d’un nouveau genre, dans lesquels il sera possible de rechercher et de classer les expériences souhaitées avant de les tester. Ces moteurs orienteront les utilisateurs suivant leurs préférences et suivant les rémunérations qu’ils auront reçues des promoteurs, ce qui donnera lieu à l’émergence de nouveaux modèles d’affaires basés sur la publicité.
Une autre expérience nouvelle utilisera la sérendipité, en parcourant le métavers « au hasard » et en tombant sur une expérience à laquelle on n’a pas pensé de prime abord. Un peu à la manière d’une promenade dans une rue commerçante quand on découvre une boutique inattendue et que l’on fait du shopping après avoir été séduit par son offre.

Une construction par étapes

L’émergence de métavers propriétaire

L’émergence du « Métavers » en tant que futur de l’Internet prendra plusieurs années.
Les premières années verront l’émergence de métavers propriétaires, le plus souvent centralisés, pour lequel un acteur leader formulera la proposition de valeur relative à l’expérience, et structurera l’ensemble des acteurs de son écosystème pour pouvoir la proposer. Une vingtaine d’acteurs chefs de file construisent actuellement des métavers propriétaires. L’idée sous-jacente est de développer de nouvelles expériences, d’attirer des utilisateurs dans un modèle stratégique qui vise à rendre l’utilisateur captif, et de structurer tout un ensemble d’autres expériences qui en découlent.

La nécessaire consolidation à moyen terme

La phase de développement de métavers propriétaires devrait durer une dizaine d’années. On notera que certains acteurs économiques pourront être à la fois acteurs chefs de file de leur propre métavers mais, aussi, acteurs contributifs dans l’écosystème de métavers concurrents.
À moyen terme, il est probable que l’industrie des métavers sera structurée par quelques dizaines de métavers avec pour chacun d’entre eux un acteur chef de file. Il devrait s’ensuivre une période de consolidation, dans une logique de recherche de réduction des coûts par mutualisation. Certaines technologies deviendront dans cette période des standards de facto. Il y aura des fusions de métavers ou des accords permettant à des avatars d’un métavers de pouvoir aller dans un autre métavers. En parallèle à ces phénomènes de marché, des travaux de normalisation devraient voir le jour.
Les pays qui auront su développer des acteurs dominants sur leur métavers auront un poids considérable dans les discussions concernant les transferts de gouvernance.

Plusieurs pays veulent se positionner
sur ce nouveau marché

À commencer par les États-Unis

Les grands groupes américains cherchent dès aujourd’hui à créer des univers propriétaires.

Facebook devenu Meta

Facebook est actuellement le géant technologique le plus agressif dans le métavers, tant au niveau national que mondial. Confrontée à l’essouflement de ses activités dans les réseaux sociaux, Facebook a annoncé qu’elle changerait son nom en Meta à partir du 1er décembre 2021, et qu’elle consacrerait une part importante de ses investissements à la création d’une plateforme informatique émergente axée sur la réalité virtuelle.
Meta est un géant complet, qui se concentre sur les quatre grandes directions que sont le portail matériel, l’architecture sous-jacente, l’intelligence artificielle, le contenu et le scénario. Meta a racheté Oculus dès 2014 pour combler ses manques en matière de matériel.
Voici une carte stratégique qui présente les acquisitions récentes de l’entreprise (voir la Figure 2).

Figure 2. Carte stratégique de Meta (Source : CBInsights).

Unity

Unity est, à la base, une plateforme pour la création et l’exploitation de contenus inter-actifs 3D en temps réel, le développement de jeux étant son domaine d’application le plus important. Unity est devenu un outil complet pour la création de visualisations architecturales, d’animations 3D en temps réel et d’autres types de contenus interactifs. Non seulement Unity, mais aussi les principaux moteurs de jeu / plateformes de développement, notamment Epic Games (Unreal Engine) et Nvidia (Omniverse), déploient des activités non liées au jeu dans le domaine de la modélisation 3D et des mondes virtuels pour se développer dans de nouvelles voies, générer des revenus et faire évoluer leur activité principale.

Roblox

Roblox est la première entreprise à intégrer le concept de métavers dans son catalogue et elle présente huit caractéristiques clés de la future plateforme nécessaires au métavers : identité, amis, immersion, ubiquité, diversité, faible latence, économie et éthique. Elles permettent la réalisation de concepts à la base du métavers : la sociabilité, l’ouverture, un écosystème de contenu riche et un système économique complet.

Roblox se place dans le segment de la création de contenu et des scènes, tandis que la plateforme fournit également des outils et des technologies faciles à mettre en œuvre par les utilisateurs mêmes pour créer leur propre contenu.
L’écosystème Roblox est unique, car l’ouverture de la plateforme aux utilisateurs contribue grandement à l’enrichissement du contenu, attirant un flux croissant de développeurs et de joueurs et contribuant à créer un esprit communautaire croissant, tandis que le système économique d’interopérabilité virtuelle et réelle contribue grandement à l’activation de l’écosystème et à la motivation des créateurs, créant ainsi une boucle de rétroaction positive.

Epic Games

Pour mémoire, Epic Games est un éditeur de jeu. Son grand succès est Fortnite.

Au cœur de la vision métavers d’Epic, il y a l’idée de vouloir changer la façon dont les gens se socialisent sur Internet. Fortnite va au-delà du jeu pour accueillir un nombre croissant de fonctions sociales et de divertissements tels que des concerts, des lancements, des forums, etc. Epic Games se concentre également sur l’écosystème des créateurs, avec Unreal Engine, Epic Games Store et Epic Online Services, qui travaillent à optimiser l’environnement et l’économie des créateurs.
Epic Games a réussi à convaincre les principales plateformes de jeux de permettre à Fortnite de fonctionner de manière multiplateforme.

Nvidia

Nvidia se positionne sur l’offre de matériel pour le métavers.

Le fondement de Nvidia est la carte graphique et les technologies de base d’aujourd’hui. L’intelligence artificielle (IA), l’informatique en nuage, l’analyse de données et le calcul de haute performance n’existeraient pas sans le soutien solide de la technologie de traitement d’image de pointe (GPU2).

En tant que fabricant de circuits de traitement graphique, Nvidia a inventé le processeur graphique GPU en 1999 et, depuis, les GPU ont profondément changé le monde. Dans le domaine des jeux, les GPU Nvidia sont devenus presque la norme pour les consoles de jeu.

L’architecture sous-jacente des produits Nvidia est Omniverse, un chef-d’œuvre de technologie logicielle et matérielle. Omniverse est une puissante plateforme de simulation collaborative en temps réel.

Omniverse est un méta-univers pour les ingénieurs, une véritable mise en œuvre du métavers dans des scénarios industriels. Omniverse est davantage orienté vers le concept de « jumeau numérique » que vers l’industrie du jeu, fortement axée sur les applications de divertissement.

Qualcomm

Qualcomm est le leader mondial de l’industrie des puces pour smartphones, dont de nombreux systems on chip. Dans ces domaines, Qualcomm est souvent numéro un.

Ces dernières années, Qualcomm a étendu sa position dominante dans le domaine des circuits de traitement de signal pour téléphones mobiles à la gestion des signaux de radiofréquence (RF).

La réalité étendue est l’une des principales orientations de Qualcomm dans l’Internet des objets.

Figure 3. Carte stratégique de Qualcomm (Source : CBInsights).

Qualcomm a une stratégie claire autour du schéma commercial de la réalité étendue. Plus précisément, il s’agit d’utiliser toute son expérience technologique dans le domaine des communications mobiles pour construire et optimiser en permanence sa plateforme Snapdragon XR et accélérer son développement dans le secteur XR grâce à quatre stratégies : réalisation d’une plateforme de puce centrale XR, logiciels et algorithmes, conception de référence, et projets de partenariat.

Amazon

Amazon se focalise davantage sur le renforcement des capacités de la technologie pilier du métavers, à savoir le cloud computing. Amazon a constitué une riche panoplie d’outils de développement de métavers dont le nuage est le cœur.

Amazon a lancé un partenariat approfondi pour soutenir les services informatiques en nuage de Meta, Epic Games et d’autres entreprises. Avec Meta, les deux entreprises travaillent ensemble pour aider les clients à améliorer les performances de PyTorch, un cadre informatique d’apprentissage profond, sur Amazon Cloud Technologies, et aider les développeurs à accélérer les mécanismes de construction, d’entraînement, de déploiement et d’exécution de modèles d’intelligence artificielle et d’apprentissage automatique. Epic
Games, qui compte 350 millions d’utilisateurs dans le monde, exécute la quasi-totalité de ses charges de travail sur Amazon Cloud Technologies.

Google

La stratégie de Google, pour se positionner dans la future industrie du métavers, suit deux axes stratégiques : l’intelligence artificielle et les dispositifs matériels.

Le système d’exploitation pour mobiles Android est actuellement le système d’exploitation VR / AR qui détient la plus grande part de marché. Presque tous les systèmes d’exploitation des appareils VR / AR grand public actuels sont basés sur des dérivés d’Android, et Android peut réussir à reproduire la réussite des smartphones aux appareils VR / AR à l’avenir, et en devenir le système d’exploitation de base.

Microsoft

Microsoft se concentre sur trois grandes directions : le portail matériel, l’architecture sous-jacente, et le contenu et les scénarios, en aidant les entreprises clientes à intégrer le monde numérique à la réalité grâce à toute une série d’outils et de plateformes.

Microsoft se concentre clairement sur le métavers d’entreprise. L’architecture sous-jacente pour réaliser des métavers d’entreprise est un ensemble complet de technologies développées par Microsoft et qui se complètent les unes les autres. Cet ensemble permet une véritable intégration du réel et du virtuel grâce aux jumeaux numériques, à la réalité mixte et aux applications métavers.

Figure 4. Carte stratégique de Microsoft (Source : CBInsights).

Apple

Apple joue un rôle important dans l’émergence du métavers : sa capacité est certainement la plus grande pour diffuser dans le grand public le dispositif d’entrée du métavers : les appareils AR / VR. Apple croit davantage à la réalité augmentée qu’à la réalité virtuelle, et a su construire autour de la réalité augmentée un écosystème complet d’outils, déjà en grande partie présents dans ses iPhones, incluant les puces, les écrans d’affichage, l’optique, l’acoustique, les capteurs, l’interaction sensorielle et d’autres aspects fonda-
mentaux et technologies clés.

Les applications et les jeux de réalité augmentée de l’App Store se sont progressivement enrichis. Apple a acquis coup sur coup deux entreprises de contenu de réalité virtuelle : NextVR, une entreprise de streaming VR en direct, première au monde, et Spaces, une entreprise de réunions virtuelles itinérantes, en utilisant la technologie de suivi du visage.

Valve

Valve est une entreprise américaine, créatrice du service de diffusion de jeux vidéo Steam, et qui se positionne également sur la fabrication de casques de réalité virtuelle.

Les avantages de Valve pour le métavers se traduisent principalement par une bonne synergie entre le matériel VR, le contenu des jeux et sa plateforme Steam. Si l’on divise le métavers en métavers grand public et métavers d’entreprise, Valve dispose déjà d’avantages initiaux en termes de matériel, de contenu et de plateforme pour construire le métavers du jeu.

Bien plus, Valve a étendu son succès mondial Half-Life au monde de la VR en développant en 2020 Alyx, permettant aux joueurs de s’immerger totalement dans les interactions environnementales, la résolution d’énigmes et l’exploration du monde très approfondies de Half-Life: Alyx est la référence en matière de jeux VR et représente au mieux ce que les jeux VR peuvent faire à ce stade.

La Chine et le Métavers

ByteDance

Bytedance est connue dans le monde pour être le propriétaire de l’application Tik Tok qui rencontre un succès mondial.

Dans la course à la captation du temps d’attention des utilisateurs, ByteDance est le plus grand concurrent de Meta à l’étranger et de Tencent dans son pays. ByteDance est partie des réseaux sociaux et du divertissement pour entrer dans le métavers, et se concentre sur l’entrée matérielle, l’architecture de calcul sous-jacente et
le contenu et le scénario (vidéos courtes, jeux, RV sociale).

En septembre 2021, ByteDance a acquis le fabricant chinois de casques de réalité virtuelle Pico, premier fabricant national de réalité virtuelle en Chine, pour 9 milliards de yuans.

NetEase

NetEase Inc. est une société Internet chinoise qui exploite le site 163.com, un portail web populaire en Chine.

Cette société connaît une croissance rapide depuis sa création en juin 1997, grâce en partie à son investissement dans la technologie de moteur de recherche, et le jeu en ligne multijoueurs Fantasy Westward Journey, développé en interne, principalement connu et utilisé en Chine.

NetEase se déploit dans quatre directions principales : le portail, l’intelligence artificielle, l’architecture sous-jacente au métavers, et les contenus et scénarios.

À l’heure actuelle, NetEase a déjà mis sur le marché des produits de base du métavers tels que le système immersif Yaotai, ainsi que l’humain virtuel et en soutien une chaîne de blocs prioritaire.

NetEase a développé les lunettes de réalité augmentée HoloKit.

Tencent

Tencent semble en avance sur ses concurrents pour le métavers. Il se focalise sur trois grandes directions : l’architecture sous-jacente (Unreal Engine), l’infrastructure dorsale (services en nuage, centre de données volumineuses), et le contenu et les scénarios (divers types de produits de contenu et un écosystème d’interopérabilité de réseau social mature).

Dans le segment des contenus et des scènes, la position dominante de Tencent en matière de contenus sociaux, de jeux et de divertissements est avérée. Parmi eux, WeChat, QQ est la principale source de trafic d’utilisateurs de Tencent.

Tencent développe également des services SaaS pour les entreprises tels que Enterprise WeChat, Tencent Meetings, Tencent Documents et WeChat Pay, complétés par des solutions adaptées pour différents secteurs industriels ou de services.

Figure 5. Tmall Super Brand Day.

Alibaba

Outre son succès comme place de marché concurrente d’Amazon, Alibaba a l’avantage d’être la première arrivée dans l’informatique en nuage en Chine, et domine la recherche d’applications multi-scènes pour le commerce électronique.

L’intérêt d’Alibaba pour le métavers remonte à 2016, lorsqu’elle a lancé la fonction d’achat en réalité virtuelle sur Taobao et investi dans la licorne AR Magic Leap.

En 2021, Alibaba a accéléré sa stratégie dans le métavers, avec la création d’une nouvelle marque Cloud Mirror, XR Lab et l’embauche d’AYAYI en tant que maître d’œuvre numérique pour le “Tmall Super Brand Day” (voir la Figure 5 ci-dessus).

Globalement, Alibaba suit deux voies parallèles : la première en développant des solutions informatiques pour approcher le métavers, comme le jeu en nuage, basé sur l’accumulation de technologies sous-jacentes du cloud computing ; et la seconde en optimisant l’expérience basée sur des scénarios de commerce électronique tels que les achats en RV, le matériel de RV et le marketing humain virtuel.

Baidu

Fondé en janvier 2000, Baidu a réussi à se transformer d’un simple fournisseur de services de moteur de recherche en une société Internet globale avec une fusion du développement de contenu et de l’intelligence artificielle (IA) après environ 20 ans de développement. Baidu se trouve bien positionnée dans l’émergence des futurs géants du métavers, principalement dans deux aspects : l’intelligence artificielle et les dispositifs matériels.

La stratégie de Baidu dans le métavers se concentre sur des applications professionnelles, comme l’enseignement, en déployant des solutions de réalité virtuelle, vendues sous la marque Baidu VR.

Huawei

Huawei concentre ses efforts dans le métavers sur la mobilité pour la réalité étendue (XR) et sur l’adaptation des normes de téléphonie mobile 5G pour cette XR. Forte de sa position dominante dans les réseaux, les puces et les terminaux 5G, Huawei est en train de s’installer comme un acteur incontournable dans les dispositifs matériels, le système d’exploitation, l’architecture sous-jacente et l’infrastructure dorsale du métavers.

En termes d’outils de développement de contenu, Huawei a lancé Reality Studio, un outil dédié à faciliter le développement de contenu pour les utilisateurs sans compétences professionnelles en matière de développement, avec un large éventail de fonctionnalités, notamment la conception d’interactions et de scènes, l’édition de modèles et la gestion de la publication.

Xiaomi

Xiaomi, comme beaucoup d’autres, se concentre actuellement sur deux grandes directions : le dispositif matériel, et le contenu et le scénario. Le matériel VR de Xiaomi s’améliore, en mettant l’accent sur la diffusion importante de jeux dans le nuage. En 2021, l’entreprise a lancé des lunettes intelligentes, montrant ainsi que la recherche dans le matériel XR est toujours active. Le nouveau prototype Xiaomi Smart Glasses Explorer Edition utilise des guides d’ondes lumineuses MicroLED, qui permettent d’afficher une image sur la lentille
de l’œil, autorisant la fusion d’images virtuelles à la vision naturelle de l’utilisateur.

Le deuxième axe de Xiaomi est d’investir dans le jeu en nuage, première étape essentielle dans la mise en place de son métavers.

Le Japon

Stratégie gouvernementale

Le Japon, pour ce qui concerne le métavers, se concentre sur ses points forts dans l’animation et sur les jeux vidéo.

Le gouvernement prévoit d’améliorer la réglementation et le soutien au développement, et tente de prendre une position de leader dans l’industrie mondiale de l’espace virtuel3.

Le Japon cherche à soutenir les industries liées aux métavers afin de créer un avantage compétitif pour le pays. En juillet 2021, le ministère japonais de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie a publié une enquête sur les possibilités et les problèmes futurs de l’industrie des espaces virtuels, définissant le métavers comme « un espace virtuel spécifique dans lequel des producteurs de divers domaines fournissent une variété de services et de contenus aux consommateurs ». Le rapport affirme que l’industrie devrait développer un contenu d’espaces virtuels de haute qualité pour fidéliser les utilisateurs, mais également se concentrer sur la prévention et le traitement des problèmes juridiques dans les « espaces virtuels » et améliorer l’application des lois aux entreprises transfrontalières et multiplateformes.

Une des plateformes d’échange de cryptoactifs (monnaie virtuelle) japonaise et d’autres acteurs japonais ont créé un groupe d’industriels du métavers à la mi-décembre 2021 sous le nom d’Association japonaise du métavers. Le groupe travaille avec l’agence des services financiers et d’autres agences administratives pour créer un marché et faire du Japon un pays développé dans le métavers. D’autres plateformes d’échange de devises virtuelles japonaises impliquées dans le secteur des portefeuilles électroniques y participent également.

Sony

Sony travaille actuellement à la fois sur le portail matériel et sur le contenu et le scénario. Le matériel VR de Sony est une extension de la console de jeu PlayStation, jointe à des dispositifs VR grand public, et lui donne, avec une offre de jeux exclusive de qualité, un avantage certain.

Parallèlement, Sony, en tant que groupe mondial de premier plan intégrant les jeux, la musique et le cinéma, possède, outre les jeux, des droits de propriété intellectuelle tels que Spider-Man, Men in Black et Peter Rabbit, ainsi que les droits musicaux d’artistes de renommée mondiale tels que Michael Jackson et Beyoncé. Face au métavers, la valeur des actifs numériques du groupe Sony devrait être réévaluée. Sony s’est d’ailleurs associée à Epic Games pour explorer la convergence numérique de contenus connexes.

L’acquisition d’une participation de 1,4 % dans Epic Games, pour un montant de 250 millions de dollars, permettra au partenariat d’associer les ressources et technologies de pointe de Sony à l’écosystème numérique d’Epic, afin de proposer des expériences uniques aux consommateurs et aux créateurs dans l’ère du métavers.

Taïwan

HTC

HTC se structure autour de cinq lignes de produits VR pour étayer sa stratégie alliant matériel et contenu. HTC a été en tête des fabricants de matériel VR de l’industrie dès 2015, avec la coopération de Valve dans le développement du casque HTC VIVE. L’avantage principal qu’a HTC dans la mise en place de son métavers est que sa gamme de produits de réalité virtulle est riche et complète, avec une forte part du marché, et
a acquis une bonne réputation auprès des utilisateurs. HTC s’attache maintenant à construire sa propre plateforme de jeux VR, Viveport, en portant une grande importance au marché chino

La Corée

Le gouvernement coréen espère jouer un rôle de premier plan dans l’industrie du métavers. En 2025, 2,6 trillions de wons (environ 2,2 milliards de dollars) devraient être consacrés aux technologies métavers, blockchain et autres.

L’Office coréen de la technologie et des normes s’efforce de devenir le leader technologique mondial dans le métavers. Le ministère sud-coréen de l’Éducation promeut des cours dans le métavers. Pionnier de la formation de la société du métavers le 8 mai 2021, l’agence coréenne de promotion de l’industrie de l’information et de la communication, en collaboration avec 25 organisations (institut coréen de recherche sur l’électronique et les télécommunications, fédération coréenne de l’industrie mobile, etc.) et entreprises, a créé l’Alliance Métavers, qui vise à construire un écosystème de métavers grâce à la coopération du
gouvernement et des entreprises, et à réaliser une plateforme de métavers ouverte dans divers domaines, réels et virtuels. Le consortium compte désormais plus de 500 entreprises et organisations, dont Samsung.

En termes de politique industrielle, le ministère coréen des Sciences et de la Technologie a publié une stratégie de développement de l’économie immersive, qui vise à faire de la Corée l’une des cinq premières économies métavers du monde.

Le 3 novembre 2021, le maire de Séoul a présenté “The Seoul Vision 2030”, qui vise à faire de Séoul une ville à la cohabitation aisée, une ville sûre et une ville d’avenir, la ville pour « les émotions du futur ». Dans une première phase, la mairie de Séoul prévoit de construire une plateforme performante appelée Metaverse Seoul, qui proposera une variété de contenus immersifs pour les jeunes, tels que des conférences, des programmes de mentorat ou des salons de l’emploi.

En termes de tourisme, Séoul va construire également des attractions touristiques dans une zone spéciale pour la visite virtuelle de Séoul dans le métavers. Viennent ensuite les services publics, tels que les dépôts de plaintes, la consultation et la réservation d’installations publiques. Tous ces services seront également disponibles dans le métavers pour offrir aux citoyens des services plus pratiques, ce qui améliorera également la ville intelligente de Séoul.

L’Europe et le Métavers

L’Europe adopte une approche très prudente à l’égard du métavers.

Les textes législatifs tels que la loi européenne sur l’intelligence artificielle, le règlement sur les plateformes commerciales, la loi sur les services numériques et la loi sur les marchés numériques illustrent la manière dont les régulateurs traitent le métavers.

Parmi les positions et tendances possibles figurent une transparence accrue, le respect du choix de l’utilisateur, une protection stricte de la vie privée et des restrictions sur certaines applications à haut risque.

Les législations préfigurent l’attention accrue que l’IA porte aux questions de réglementation et de règles dans le métavers, dans le but de prendre une longueur d’avance sur la gouvernance et les règles, et de protéger ainsi le marché intérieur européen.

Dans ce contexte, le président de la République Emmanuel Macron a proposé de construire un métavers européen, un projet « essentiel » mais déjà difficile à réaliser. L’objectif affiché est de développer le champ culturel en particulier français, mais il n’a pas précisé à ce jour la façon de ne pas dépendre d’agrégateurs anglo-saxons ou chinois, ce qui lui a été reproché dans la presse.

La France a de belles cartes à jouer, car elle dispose de fortes compétences utilisables pour le Métavers. À commencer par son fleuron national, Dassault Systèmes, leader mondial des technologies 3D et des jumeaux numériques. Viennent ensuite Ubisoft, spécialiste des jeux vidéo, et Atos, spécialiste des infrastructures à haute performance, nécessaires pour faire fonctionner ces nouvelles technologies. Le panorama se complète bien avec les opérateurs de télécommunication et les start-up des cryptomonnaies, comme Ledger.

Initiatives d’autres pays

Émirats arabes unis

Lieu favori d’expatriation pour les acteurs mondiaux des cryptomonnaies, les Émirats arabes unis sont en train de mettre en place les différentes briques permettant de construire des métavers, principalement dans le domaine des crypto-avoirs.

La Banque centrale des Émirats arabes unis a annoncé une feuille de route de planification pour la période 2023-2026, afin de réaliser le fonctionnement de la CBDC et de faire des Émirats arabes unis l’un des dix premiers pays au monde pour la transformation numérique du secteur financier.

Royaume-Uni

La maison de vente aux enchères britannique Sotheby’s a lancé le Sotheby’s métavers et a organisé une vente aux enchères spéciale intitulée “Natively Digital 1.2: The Collectors”, qui présentait 53 pièces de collections d’art NFT exposées en même temps. Le célèbre studio VR britannique Maze Theory va créer un « fan métavers » autour d’IP (pour intellectual properties) et d’univers de fans bien connus.

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